La femme la plus riche du monde : là où tout est luxe, fracas et volupté

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Ils sont trois derrière le scénario de La femme la plus riche du monde, trois scénaristes aguerris à la réalisation : Thierry Klifa qui signe son 8ème film, Jacques Fieschi dont la première collaboration au scénario était sur un Pialat, A nos amours, et Cédric Anger, réalisateur, entre autres, de La prochaine fois je viserai le cœur.

Le carton annonce la couleur :

Ce film est une œuvre de création très librement inspirée de faits réels. Par respect de la vie privée, de la mémoire des morts et de la réputation des vivants, les auteurs tiennent à préciser qu’à leur vision subjective d’évènements rapportés se mêlent des éléments de pure fiction issus de leur imagination. L’intimité des personnages, leurs échanges et confidences sont inventés.

J’ai commencé à m’intéresser à cette affaire dès qu’elle est devenue publique. J’ai eu très vite envie de chercher à comprendre ce qui se jouait à un niveau à la fois intime et universel. (Thierry Klifa, réalisateur)

D’aucuns tenteraient la comparaison avec l’affaire Ingrid Bettancourt dont le film s’est librement inspiré. On cède facilement à la tentation du parallèle puis très vite on oublie : on plonge dans le film.

J’ai compris que je pouvais m’inspirer de cette histoire pour en écrire une autre, non pas relayer un fait divers retentissant mais en tirer un récit romanesque et universel. (Thierry Klifa, réalisateur)

La femme la plus riche du monde et ses incarnations remarquables(ment) complexes

Isabelle Huppert, Marianne, campe un personnage à la fois dur et tendre, brut et sophistiqué, élégante et bourgeoise mais toujours sincère, jamais faux cul.

Marina Foïs incarne une fille placide, qui prend peu à peu sa place malgré une mère qui ne sait pas si elle l’aime, de son propre aveu. Bien qu’Isabelle Huppert paraisse à l’écran plus jeune que celle qui joue sa fille (merci la post production, au bas mot), on arrive assez facilement à croire à leurs relations toxiques tant la marâtre tient bien son rôle. Aidée par son mari de Demy, elle prend confiance et parvient à contrer cette mère crève sans coeur.

Crédit photo : Haut et court
Crédit photo : Haut et court

Raphaël Personnaz, première interview de ma vie et de ces Lettres, livre une partition millimitrée et savamment dosée, à l’instar de ce qu’impose son personnage : rigueur mais sincérité. En blond(e – blague de Fantin), il réussit à maintenir son calme alors qu’on rêve qu’il lui casse la gueule. S’il est l’un des personnages clés de l’enquête, on sait hélas que les justes ne sont pas toujours dûment récompensés.

Crédit photo : Haut et court
Crédit photo : Haut et court

Impossible de ne pas souligner l’extraordinaire palette de jeu d’un Lafitte tantôt comique, tantôt tragique. Alors que de nombreux films ont révélé de quel bois il pouvait se chauffer, c’est sans doute celui-ci qui lui permet d’incarner un personnage haut en couleurs, folle à souhait et le revendiquant, obsédé et obscène. Avec Huppert, ils incarnent sans conteste LE duo fort du film.

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Crédit photo : Haut et court

La femme la plus riche du monde et son fantasque Fantin

Fantin est un prénom d’origine arabe et latin, dérivé de « infans » qui signifie « enfant ». Impossible de ne pas voir en Laurent Lafitte un parfait François-Marie Banier, véritable rival du mari de Marianne campé par André Marcon même si on le soupçonne assez homosexuel et attiré par le majordome Jérôme (Raphaël Personnaz).

Ce photographe mi dandy mi bohème (100% arriviste) fascine la riche femme d’affaire car il la bouscule et la réveille. « La place d’une femme riche n’est pas sur une chaise longue à attendre la mort », dira-t-elle.

A la question « Que pensez-vous du lien qu’entretient votre personnage Marianne avec Fantin, joué par Laurent Lafitte ? », Isabelle huppert répond :

La sincérité de ce lien, c’est pour Marianne la découverte d’un sentiment qui, tout à coup, éclaire sa vie, la sort de la monotonie de son existence, malgré la résistance de son entourage. Sa fille, d’une certaine manière incarne cette résistance : une forme de prise d’otage émotionnelle face à un bonheur qui surgit de manière un peu insolente. C’est aussi la personnalité de Marianne qui se réveille. Tout avait été étouffé par l’argent.

Et c’est évidemment juste, et palpable. On décorsette une femme prise dans des carcans dictés par l’argent, les puissants et la classe qui leur sont associés, inexorablement.

Crédit photo : Haut et court
Crédit photo : Haut et court

La femme la plus riche du monde et ses cadavres collabos

Il y a une histoire de famille bouleversante, avec ses secrets, son passé enfoui, et un contexte historique encore trop peu exploré en France : celui de ces grandes familles industrielles, dont une partie du pouvoir s’est aussi construite sur des zones d’ombre, la collaboration notamment. (Thierry Klifa, réalisateur)

Et parce que ces familles ont tout fait pour étouffer ou minimiser le scandale, Thierry Klifa réhabilite aussi certaines vérités qu’il serait malvenu de cacher sous le tapis en 2025.

La femme la plus riche du monde et son génie de nuances

En somme, La femme la plus riche du monde, c’est un film d’une grande subtilité, car nuancé mais c’est aussi un pur bonheur de cinéma : les plans sont beaux, les costumes chatoyants, bref il y a du fric et ça fait du bien (aussi) en ces temps moroses voire peines à jouir. A la question « Où s’arrête le pouvoir de l’argent ? », à Marianne de répondre « Là où commence le goût de la vie ». Parce qu’elle le vaut bien.

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