Scènes de la vie conjugale, méandres du couple

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Safy Nebbou, réalisateur, a choisi de collaborer de nouveau avec Raphaël Personnaz, première interview de ce blog.  Au printemps dernier, les deux hommes avaient fait un voyage ensemble en Sibérie, en adaptant le roman de Sylvain Tesson. Pour l’adaptation du film d’Ingmar Bergman, aux côtés du comédien, il a choisi Laetitia Casta qui incarne son épouse.

Scènes de la vie conjugale ou autopsie d’un couple à la dérive

Le ton est annoncé dès les premiers portraits : Johan et Marianne sont des époux très différents. Le premier est sûr de lui, la seconde se décrit comme épouse et mère, réduisant son existence à ces deux paramètres que la société accole trop souvent à la vision du bonheur. Leur existence est parfaitement cadrée, comme dit Mariane « Notre vie est découpée en petits compartiments (…) Dans chaque compartiment, il y est écrit ce que l’on doit faire. Et s’il y a un espace vide, alors là, c’est la panique. » Cette révélation s’inscrit dans la scène 2, dont le sous titre est « la politique de l’autruche ». Remplir sa vie, s’inventer des habitudes, tout ce qui empêche de penser aux choses qui nous terrifient, à l’essentiel au fond. Le couple qu’incarne Johan et Marianne en est là : ils ont de bonnes situations, ils sont jeunes et beaux, et parents de deux petites filles adorables. Or, on peut afficher le bonheur sur papier glacé, en soi, parfois, il n’en est rien. Mais on ne sait pas de quoi on souffre réellement. Cette souffrance s’appelle la lassitude, l’usure du couple, souvent inéluctable. Il faut parfois se réinventer, se surprendre pour se redécouvrir.

Scènes de la vie conjugale ou la vérité des relations amoureuses

L’explosion, c’est ce qui arrivera à notre couple, une vérité qui éclate par le personnage de Johan. Par sa réaction lorsque Marianne lui apprend qu’elle est de nouveau enceinte; puis l’avortement, l’éloignement inexorable. Sans surprise, la fissure. « Ca a l’air absurde je sais, et c’est peut-être une connerie affreuse » confie Johan. Mais cette connerie, c’est son couple qui la lui a fait commettre. Un couple sans sexe ou mauvais, un couple qui cohabite plus qu’il ne vit.

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Cette pièce met en scène, à l’instar de l’oeuvre de Bergman, plusieurs années de vie de couple avec élipses. Ce qu’il faut en retenir réside dans les propos de Johan :

« Je peux seulement répondre en mon nom. Je pense que je t’aime à ma façon, imparfaite et égoïste et je pense que tu m’aimes à ta façon, violente, émotive. En fait, je pense que, toi et moi, nous nous aimons. De façon terrestre et imparfaite ».  

Un texte sublime mis en valeur par une mise en scène assez classique, malgré le recours aux portraits filmés dans un premier temps. Efficace car c’est lui qu’on  met en valeur, le texte. Les comédiens incarnent ce couple avec force, Raphaël Personnaz dans les premiers temps, avant que Laetitia Casta le rejoigne, véritable beauté émancipée une fois l’indépendance retrouvée. C’est aussi à cela qu’on assiste : la mutation des êtres et leur prise de dépendance lorsqu’alors ils ne sont plus entravés par le couple. Car l’amour ne réside pas seulement dans le couple. Lorsque le dernier meurt, le premier peut survivre.

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