Marguerite, à cordes perdues.

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La Belle Epoque. Marguerite Dumont, une femme fortunée passionnée de chant et d’opéra. Problème : la cantatrice amatrice chante lamentablement faux. Or, personne n’ose lui dire. Elle se produit dans des cercles restreints, et jusqu’alors, elle n’a pas eu l’idée de se donner des spectacles devant un vrai public. Evidemment, tout se compliquera quand elle changera d’avis.

L’amour pour moteur

A travers la musique, c’est éperdument la reconnaissance et l’amour de son mari qu’elle cherche. En se lançant à corps perdu dans la chanson, c’est en réalité la fierté d’un seul être qu’elle vise. Si le thème est classique, la grande subtilité avec laquelle Xavier Giannoli met en scène ses personnages est sans doute l’une des plus grandes qualités du film. Leur psychologie est si finement retranscrite à l’écran qu’on y est forcément sensible. On a de fait une palette de personnages extrêmement étendue : Madelbos, son majordome (qui est également son photographe), est sans aucun doute amoureux de Marguerite, même s’il est d’un dévouement total, on s’interroge sur l’exacte nature de ses sentiments.Marguerite

L’argent menteur

Si personne n’ose dire à Marguerite qu’elle chante épouvantablement faux, c’est sans doute d’abord pour une question de confort. La baronne a de l’argent, et son mari l’a épousée en connaissance de cause (aucune illusion de ce point de vue). Mais assez rapidement on s’aperçoit que le personnage de Marguerite est si attachant que son entourage n’ose pas lui dire la vérité de peur de lui faire trop mal, et son mari est l’instrumentiste de cet immense leurre. Bien qu’il la trompe, il semble avoir un attachement profond pour elle, qui côtoie un sentiment très paradoxal, la honte pour ne pas dire le dégoût. Lors d’une réplique du film, il avouera en effet qu’il la voit « comme un monstre ». Saisissant.

Les illusions maintenues

Ainsi, Marguerite vit dans une sorte d’illusion permanente, une supercherie constante qui la préserve d’une vérité insoutenable. Qu’importe que son mari la trompe, elle l’ignore et ne fait rien pour l’apprendre. L’amour étant décevant, seul le chant et la passion indéfectible qu’elle lui voue sont importants. Mais les deux sont bien évidemment liés, un tel engouement cache toujours quelque chose à combler, inexorablement. Là où le réalisateur a déployé tout son génie, c’est dans l’art subtil de mettre en scène ce mensonge.

Un joyau de cinéma et d’interprétation

En optant pour un film d’époque, Xavier Giannoli s’est attaché au moindre détail. Les décors sont somptueux et la belle époque est fidèlement retranscrite à l’écran. Les costumes, l’automobile, les lieux, rien n’a échappé aux décorateurs, aux costumiers, pour notre plus grand bonheur. Quant à l’interprétation des comédiens, nul doute sur l’immense talent de chacun des rôles. Catherine Frot est magistrale, cela va sans dire. Autre talent, et pas des moindres : les dialogues. Ils sont acerbes, acérés, quitte à choquer parfois. C’est entre autre ce qui fait de ce film, une gifle monumentale.

De Marguerite, on retiendra cette réplique « Face à la vie, il y a deux conduites : la rêver ou l’accomplir ». Marguerite n’a pas choisi, elle.

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