Deux amis, selon Louis Garrel

(c) Ad Vitam
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Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, Louis Garrel explore deux facettes de la vie bien connues : l’amour et l’amitié. Celui qu’on avait si souvent vu au cinéma dans des rôles tourmentés devient celui qui tourmente. Focus sur une fiction sans morale mais qui se regarde avec beaucoup de délectation, grâce aux dialogues particulièrement acerbes de Louis Garrel, et sans doute, l’ombre de Christophe Honoré qui a collaboré au projet. Cette réussite tient bien sûr, et surtout, au talent de ses protagonistes (mention spéciale à Golshifteh Farahani), qui nous livrent des personnages puissants et entiers. Cabossés, névrosés, humains, tout simplement.

Une rencontre singulière

Clément (Vincent Macaigne) est un figurant de cinéma qui oscille entre les plateaux de tournage et son meilleur ami, Abel (Louis Garrel). Dès le début du film, on sait qu’il aime Mona (Golshifteh Farahani),une jeune femme sublime et tourmentée, qui travaille dans une sandwicherie de la gare du Nord. Ce qu’on sait d’elle, les deux amis l’ignoreront longtemps. Lorsque cette dernière explique à Clément qu’aucune relation n’est à envisager car sa vie est beaucoup trop compliquée, le jeune homme sombre dans une profonde tristesse. C’est à son meilleur ami Abel, qu’il livre son désarroi, et ce dernier, loin de l’aider comme il le devrait, se rapprochera en réalité de la jeune fille, de manière lâche et irrésistible.

© AFP/Archives
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Un retour à l’équilibre des forces

Cela ne fait aucun doute, Abel avait une sorte d’emprise plus ou moins malsaine sur Clément. Abel est un être narcissique qui a des velléités d’écriture mais ne reconnaitra jamais sa condition, fierté oblige. Abel est un beau brun séducteur et séduisant, alors que Clément semble dans l’ombre de cette beauté (qui d’ailleurs lui en fait). Ce dernier incarne alors un personnage lucide mais fragile, que les névroses d’Abel finiront par abîmer. Mais lorsque la lucidité finira par prendre le pas sur cette soumission installée, Clément triomphera du personnage d’Abel, pour une scène du plus bel effet, dans une cage d’escaliers. Pour Abel, la messe est dite, ou plutôt le couperet est tombé. La suite ne sera qu’atermoiements entre confiance et défiance, à moins que…

Entre cynisme et poésie, une légèreté grave

Louis Garrel, digne fils de son père, signe une oeuvre sans comparaison avec le travail de son père. Il s’inscrit alors dans une mouvance singulière, qui n’est autre que la sienne; il n’imite personne. Par le truchement des situations, des dialogues extrêmement bien ficelés, il réussit à mener le spectateur vers une sorte de fantaisie légère en apparence, mais in fine si profonde. C’est sans doute ce mélange indéfinissable qui nous pousse inexorablement à la joie. C’est dans cet état teinté de nuances qu’on ressort de ce film, dont la bande originale composée par Philippe Sarde, nous plonge un peu plus dans l’univers de Sautet, tout en restant chez Garrel. Et c’est très bien ainsi.

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