Près de 15 ans après avoir écrit la première mouture de sa pièce sur mesure pour Pierre Arditi, Florian Zeller revient avec La vérité.
Le mensonge brillamment interprété dans La Vérité
Vincent (Stéphane de Groodt) ment à tout le monde et pas très bien : à sa femme en premier lieu, à son meilleur ami aussi, dont il couche sans vergogne avec l’épouse qui est de facto sa maîtresse. Vous suivez ?
En plus d’être un menteur éhonté, Vincent n’est pas bien malin et oui, son acteur joue à la perfection au/le con. Le talent d’un de Groodt réside entre autres dans cette capacité à feindre la surprise, à être faussement distrait pour détourner l’attention de ses propres incohérences, preuve évidente qu’il ment.
Face à lui, Clothilde Courau qui joue sa femme : grande, fine, gracile et arborant des tenues sublimes ; elle irradie les planches. Pour autant, son personnage n’est pas aussi présent que celui de la maîtresse, Sylvie Testud. L’ex comédienne ayant interprété Sagan au cinéma excelle dans ce rôle à la fois léger et grave, comme elle, comme sa voix. Reste son mari trompé, joué par un autre Stéphane, Facco celui-ci. Tout en muscles, il joue le flegme, la force (faussement) tranquille.
La Vérité, cette idée de génie
Si le génie de Florian Zeller n’est plus à prouver, son oeuvre protéiforme et mondialement adaptée parlant pour lui, on n’en demeure pas moins frappé par tant de vivacité intellectuelle.
Par d’habiles bonds, la pièce nous surprend, nous emmène là où elle veut (ou plutôt son auteur). On rit, on est surpris et bien sûr, on s’interroge aussi à travers ce texte au cordeau.
La vérité, mais quelle vérité ?
Au fond, la question qui subsiste ou plutôt émerge est : ne se ment-on pas à soi-même ? Que ce soit par confort intellectuel ou pour mieux feindre d’accepter une vérité qui nous bouscule et nous dérange. Rester dans sa petite vie, faire semblant d’aimer encore l’autre, craindre de prendre le risque d’être pleinement heureux car le changement effraye.
La pièce aborde en filigrane un autre sujet : dans un couple, souvent, l’un aime plus que l’autre. Mais contrairement à ce qu’on imaginerait, ce n’est pas nécessairement ceux qui trompent ou qui croient tromper. En cela, le propos de Zeller est éminemment féministe.
La vérité masquée et mise en scène
Impossible de ne pas mentionner le talent de Ladislas Chollat à la mise en scène, compère complice de Zeller depuis des années. On assiste à un changement de décors et de jeux de lumières orchestrés d’une main de maître par des techniciens tous vêtus de noir, casques vissés sur la tête, au son de plusieurs musiques toutes revisitées (Sacem oblige ?). On entendra tour à tour et notamment Paroles Paroles de Dalida dans une autre bouche en italien, Toxic, revisité également.
La vérité se joue au Théâtre Edouard VII et c’est souvent complet, alors ne tardez pas à prendre vos places !