Le Beau Monde : entre rêves et poésie

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Projet tout à fait singulier, Le Beau Monde évoque avec tendresse et force intelligence, la rencontre de deux êtres… entre eux mais surtout avec eux-mêmes. Lorsqu’Alice rencontre Antoine, il est ce jeune homme qui représente un milieu si éloigné d’elle mais auquel elle inspire, alors même qu’il cherche à le fuir, à tout prix. A travers cette forte histoire d’Amour, ils vont s’inter-construire, pour mieux se trouver…quitte à s’éloigner.

Une réflexion sociale

Dès les premiers plans, la trame de fond sociale est installée : Alice (Ana Girardot), jeune normande qui rêve de broderie et de couture, rencontre Agnès, grande prêtresse de la mode, qui va l’aider à intégrer une école parisienne d’arts appliqués. Très tôt, on perçoit la fascination d’Alice pour ce beau monde. A la fois respectueuse et impressionnée, elle se rapproche de cette femme qui l’aidera tout au long de son parcours. En se rapprochant d’Antoine (Bastien Bouillon), elle touche du doigt un monde qu’elle soupçonnait à peine. S’ouvre alors à elle un champ des possibles ignoré jusqu’alors.

Un duo en diptyque

Si Antoine est en permanence dans l’analyse, Alice, elle, est davantage dans le Kaïros (le moment présent, chez les Grecs). L’un réfléchit, l’autre vit. D’ailleurs, ce trait de caractère se reflète dans leurs passions. Antoine est photographe, il aime capturer l’instant mais de manière réfléchie pour ensuite y revenir, le retravailler. Alice créé elle aussi, mais ex nihilo, et ses productions sont destinées à être portées ou plutôt, vouées à un usage précis. Antoine est très clair là-dessus, la mode n’est pas de l’art.

Cet apprentissage, c’est un peu celui du roman initiatique pour Alice. Antoine, l’école d’art appliqués, sont autant de Pygmalions qui façonneront sa personnalité. Outre sa manière d’aimer et de travailler, c’est tout un regard sur le monde qui pourrait être bouleversé.

ana girardot, bastien bouillon

Une grande histoire d’Amour

« Quand je n’ai plus eu peur de t’aimer, c’est un torrent d’amour qui est sorti de moi ». Cette déclaration, c’est celle d’Alice à Antoine. La jeune fille incarne la passion amoureuse dans ce qu’elle a de plus intense, quitte à s’en oublier elle-même. La relation qu’elle entretient avec Antoine est fougueuse, parfois sauvage, et ils semblant la vivre comme une urgence. Entre baisers impatients et des ébats impérieux, ce couple témoigne d’une nécessité absolue de vivre ensemble.

Ana Girardot incarne à merveille la passion, un sentiment qui va jusqu’à imprégner son visage et dicter tous ses gestes. Bastien Bouillon est lui aussi très juste dans le rôle, même s’il incarne un personnage davantage dans l’analyse et le recul, ce qui est complètement cohérent au vu de la nature de l’intrigue.

Entre grâce et délicatesse

Jeune sylphide, Alice est la grâce incarnée. Fine et délicate, à la peau transparente, elle est digne d’un tableau de Boticelli (les formes en moins). Au-delà de l’aspect physique, c’est tout un regard sur les choses, la vie et les gens que la réalisatrice a posé de façon si singulière. Les répliques s’apparentent davantage à de la littérature qu’au cinéma :  « les apparences sont là pour nous cacher »; autant de réflexions qui s’avèrent savoureuses et tout à fait intelligentes.

Néanmoins il ne faudrait pas que ce film laisse à ses dialogues une place plus importante que le cinéma lui-même. On regrette à juste titre de ne pas voir certaines scènes fortes s’exprimer dans toute leur intensité. Pour autant, ce film mérite d’être vu, à la seule condition qu’on accepte d’emblée sa loquacité, quand bien même elle est constructive.

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