Niels Schneider, Roméo (ré)incarné

© Mathias Indjic
 

Le théâtre : une révélation transcendante

« Le théâtre me taraudait depuis très longtemps. J’étais déjà monté sur les planches à Montréal mais pas encore en France; la peur de ne pas être passé par le conservatoire, sans doute. Le directeur du théâtre de la Porte Saint Martin m’a parlé du rôle de Roméo dans la prochaine pièce de Nicolas Briançon et tout s’est enchaîné.

Incarner Roméo était un vrai bonheur, mais pour être juste dans l’intention (on ne parle plus de psychologie au théâtre), il me fallait le comprendre. De plus, Roméo n’est pas le personnage le plus charismatique de la pièce, à côté d’un Mercutio qui brille par son excentricité, ou encore d’une nourrice haute en couleur et d’une Juliette aux contours très affirmés. Ce personnage est difficile à jouer car tout est dans l’intelligence du corps. Ce ne sont pas tant ses mots qui l’incarnent mais bel et bien sa corporalité. Puis on est au théâtre élisabéthain; on s’exprime, on incarne son personnage par le corps. C’est un être profondément mélancolique, presque pessimiste. Il a le sentiment que la fin est proche, comme s’il pressentait sa mort imminente. Il lui faut lutter pour mourir dans le sentiment d’avoir pleinement vécu. Il n’est plus question de dignité, mais d’intensité. Vivre toujours plus fort car bientôt nous serons morts. »

Roméo, un rôle qui lui colle à la peau

« Y a-t-il un peu de Roméo en toi Niels ? »

« J’ai pied dans la boue, un oeil sur les étoiles et un poignard dans la main ». Voilà ce qui pourrait me décrire. Comme Roméo, je suis un amoureux de l’amour. Je refuse de me résigner, tout comme lui. Le monde réel, dans toute son atrocité, n’a rien d’enviable. Actuellement, l’amour est réduit au porno; les gamins de 11 ans ont cette représentation sous les yeux, en permanence, sur leurs écrans d’ordinateurs. Pas étonnant que ces mêmes hommes n’arrivent plus à bander passés 25 ans; plus rien ne leur fait envie. Alors que pour Roméo&Juliette, un frôlement suffit à les transporter bien loin. Bien sûr, ils sont dans le désir, mais pas seulement celui de la possession physique, ils se veulent l’un et l’autre tout entier. Les gens doivent avoir des exemples en tête; ils doivent se nourrir de ce qu’ils voient: à ce titre, la pièce peut être une formidable source d’inspiration pour ceux qui peinent à trouver en ce bas monde ce qui pourra les élever vers le ciel.

Depuis que je suis dans la peau de Roméo, je ne peux plus vivre « normalement », mais tel est mon métier ! Je veux incarner au mieux mon personnage, pour bien le comprendre je dois vivre seul. Je prends mon café, je mange, je vois peu de monde. Je ne peux pas être en couple car je tombe amoureux chaque soir sur scène. Je repense à mes souvenirs de théâtre, la manière dont je prenais possession du rôle la veille, ce qui était bien, ce qui l’était moins. Je n’essaye surtout pas de reproduire un sentiment, ça ne marche pas. Je vis ce rôle pleinement. Je sais que le jour où je cesserai d’avoir des larmes, rien n’aura plus la même saveur. »

             Longue vie aux Roméo, et un grand merci à Niels.

 

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