Yves Saint Laurent : la mode pour seule religion.

Pierre Niney et Charlotte le Bon dans leurs rôles respectifs

Au commencement, il y eut la création

Depuis Oran, le petit surdoué de la mode ne cesse de créer, dessiner. La mode, sa passion, est sa raison de vivre. Comme le dira Pierre Bergé, « il n’est heureux que deux fois dans l’année ». Ce petit génie de l’habillement, c’est celui qui deviendra le grand Yves Saint Laurent, l’adulé, le respecté. Son seul regard suffit à rendre la matière plus belle. En parfait esthète, ce créateur de génie n’aura de cesse de rechercher la Beauté. Il prétend ne vouloir qu’habiller les femmes mais en réalité ce qu’il recherche, c’est rendre le monde plus beau. Il s’y perdra.

 Ensuite il y eut l’Amour fou

Au détour d’un dîner, Yves-Pierre Niney, rencontre Pierre Bergé-Guillaume Gallienne . Celui qui n’a d’yeux que pour les arts majeurs se focalise sur ce jeune styliste, qui est encore l’assistant de Christian Dior. Dès lors, leur vie va basculer; leur duo ne prendra pas même fin à la mort du couturier tant ils sont unis par un lien précieux, indéfectible…indescriptible, aussi.

Le posé calme l’excité, le rationnel encadre l’artiste. Ces deux là sont si complémentaires qu’ils semblent avoir été crées pour ne faire qu’une seul et même homme. Bien sûr, il y a les autres entre eux : Victoire (incarnée à la perfection par Charlotte le Bon) , Loulou de la Falaise (Laura Smet envoûtante)… mais aussi les hommes, omniprésents dans la vie du créateur. Pierre Bergé, son compagnon, s’il n’a d’autre choix que de se taire, continue d’aimer cet homme qui se consume sous ses yeux impuissants.

A eux deux, ils ont bâti un empire. Ce ne fut pas simple, il y eut des moments de doute, de défaite. Néanmoins YSL a toujours su rebondir, trouver l’idée de génie qui révolutionnerait la mode féminine : de la robe Mondrian en passant par la saharienne jusqu’au costume pour femme. Le couturier ne s’est pas contenté de changer le vestiaire féminin, il a su déclencher des prises de conscience. YSL, un faiseur de mode…de moeurs avant tout.

Puis la déchéance d’un Martin Eden extra-lucide

Yves Saint Laurent est un homme angoissé; comme tout homme en proie à de fortes émotions, il a besoin de s’évader. Ce  lâcher prise ne lui est rendu possible que par des psychotropes en tous genres : alcool, drogue, médicaments. Tout y passe. Le créateur n’est pas comme les autres; c’est un extralucide : vivre est beaucoup plus difficile pour lui que pour le commun des mortels. Quelqu’un de cette sensibilité à fleur de peau ressentira tout plus fort, le bon comme le mauvais. S’il sait voir la beauté la monde, il en voit toute la souffrance, plus cruelle que pour le quidam.

Ce qui est censé le divertir (littéralement, le détourner) de ses tourments, le mèneront à une souffrance palpable et irréversible.

Au final Yves Saint Laurent est ressuscité

Par la volonté de Jalil Lespert, Pierre Niney redonne une seconde vie à celui qui fut l’un des plus grands créateurs. La ressemblance est frappante, de par la proximité physique, comportementale. Le travail que le comédien a fait sur sa voix laisse bouche bée. Le pensionnaire de la Comédie Française a saisi tous les codes d’Yves Saint Laurent et les reproduit à la perfection. Plus que les reproduire, il investit le personnage, lui donnant un second souffle. L’épaisseur psychologique du couturier prend toute son ampleur, sous la direction magistrale de Jalil Lespert.

Mention spéciale pour Guillaume Gallienne qui est parfait dans son rôle. Pierre Bergé incarne le soutien indéfectible, la droiture sur fond d’une grande tolérance. Magnanime, courageux, le personnage est touchant au possible : on s’émeut de le voir impuissant et à la fois toujours présent aux côtés d’un génie torturé.

Yves Saint Laurent est définitivement un grand film, de par son propos, sa photographie, sa réalisation sa bande son sans fausse note et bien sûr ses comédiens. Merci et bravo !

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