Prisoners, la détresse à l’état (im)pur

Prisoners

Des parents orphelins

Au cours d’un déjeuner entre amis, deux petites filles disparaissent. Leurs parents, amis, mettent tous les moyens en oeuvre pour les retrouver, en vain. Un jeune garçon rôdant dans une caravane est très rapidement inquiété, les fillettes ayant joué non loin du véhicule. Réfugié dans son mutisme, le jeune suspect, retardé mentalement, ne présente pas suffisamment de preuve pour être maintenu en détention. Le père d’une des deux fillettes, Keller Dove-Hugh Jackman, est persuadé qu’il en sait bien plus que ce qu’il prétend. Face à l’impuissance du détective chargé de l’enquête-Jake Gyllenhaal, le père aux abois décide de faire justice lui-même. C’est alors qu’il séquestre le jeune suspect, et va tout mettre en oeuvre pour le faire parler. La fin justifie-t-elle les moyens ? Ce père de famille désemparé semble le penser.

Vers une déshumanisation

Keller Dove ne considère plus son prisonnier comme un Homme mais comme une bête. Selon lui, il a perdu son humanité à l’instant même où il a kidnappé ces deux petites filles. Le considérant comme une source de renseignements fiable, il va user de la force, de la ruse, du chantage et de la pitié pour faire parler le suspect N°1.

La question de la religion est omniprésente, tant dans les prières de Keller Dove que dans les tatouages du détective Loki. Le récit du Notre Père accompagne les actes de torture à l’encontre d’un suspect dont on ignore s’il est réellement coupable. La question fondamentale est de savoir si la victime qui devient bourreau d’un suspect ne devient-il pas lui même coupable ?

Par ailleurs, la question manichéenne du bien et du mal prend toute sa place ici : une famille qui a subi un grand malheur peut-elle encore avoir la foi, peut-elle encore croire en un Dieu bon et juste ? Prisoners met en scène des parents à bout de nerf.

Paul Dano et Jake Gyllenhaal
Paul Dano et Jake Gyllenhaal

L’Insoutenable

Prisoners  n’est pas destiné à tout public; il contient des scènes extrêmement dures, mais nécessaires à la compréhension du film, de même qu’à l’atmosphère que le réalisateur souhaitait mettre en place. Sans le réduire au thriller psychologique, le film maîtrise habilement les codes de l’angoissant, les affres du terrifiant. Votre coeur s’accélère, vos jambes vous lâchent : tel est l’effet Prisoners 

L’indéchiffrable

Si ce film est excellent, il n’en demeure pas moins difficile. Comme pour Incendies, Denis Villeneuve pousse l’intrigue au delà de l’imaginable, et le suspense, jusqu’à son paroxysme. Vous dévoiler le nombre incalculable de rebondissements reviendrait à « spoiler » le film, mais considérez que rien n’est acquis et qu’on continue de se poser mille questions bien après le générique de fin. Chaque indice est comme une pierre à l’édifice dont la résolution nous appartient. Plus que jamais, Prisoners est définitivement un très grand film, qui fait l’effet d’une bombe.

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