L’amour à l’américaine ou l’anti-désir

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En ce jour de la femme, je ne pouvais que parler de cet essai brillant consacré à la femme.

Cristina Nehring évoque l’amour, son histoire et le féminisme. En retraçant à travers les époques l’évolution de la relation amoureuse, la journaliste américaine souligne un paradoxe : on était moins puribond avant. Depuis une vingtaine d’années, la société américaine s’est durcie, au risque de victimiser des femmes qui n’en sont pas.

Vertige de l’amour

A travers sa réflexion sur les règles absurdes et puritaines édictées par l’Amérique, Cristina Nehring livre une pensée intéressante sur l’amour. Selon elle, l’intérêt de la passion disparaît dès lors qu’on cherche à la contrôler. Le propre de l’amour c’est en effet d’agir sans possibilité de maîtrise, quitte à comporter des risques, dont celui de souffrir et se perdre. Pour preuve, elle convoque des figures passionnées de la littérature ou de la philosophie : Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Martin Heideger et Hannah Arendt… Autant de couples célèbres qui brillaient par leurs différences et dont l’amour a fait naître une production littéraire prodigieuse qui a façonné le paysage intellectuel de la fin du siècle dernier. Cette conception de l’amour, c’est celle de l’auteur de ce livre. A son image, elle est passionnée et intrépide. Elle ne laisse pas la place à la tiédeur, à la réflexion et l’anticipation. Parce que le propre de l’amour, c’est qu’il nous échappe, Cristina Nehring ne peut que s’opposer aux pratique de la société américaine, férue de contrôle, la rendant hautement puritaine.

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Féminisme mes fesses

Autre paradoxe : au lieu d’émanciper les femmes, le féminisme américain les a brimées, se muant en une couche surprotectrice dont la société ne parvient pas à se défaire. D’inspiration paternaliste, ce mouvement est une grave atteinte au désir. Le moindre échange entre les deux sexes représente une menace, et particulièrement lorsque leurs conditions sont de nature différentes, l’exemple le plus parlant étant la relation élève/professeur. Or, il est évident qu’un professeur entiché de son étudiante va rendre ses cours bien plus attractifs, ce qui profitera à l’ensemble de la promotion. De même qu’un ou une étudiante épris de son professeur sera bien plus attentif à son cours, et donnera ainsi le meilleur de lui-même. S’il n’est pas contraint par une intimidation, ce genre de rapports n’est pas condamnable. Bien sûr, il y aura toujours une différence dans les relations, de par la nature même des fonctions de chacun, mais alors dans ce cas, un avocat ne devrait se mettre en couple avec une simple secrétaire etc. En revanche, ce qui peut profondément surprendre dans les mœurs américaines, c’est cette théorie du « Yes », à savoir le devoir d’explicitement consentir à chaque étape du rapport amoureux pour que cela ne donne pas lieu à la possibilité d’un viol. Où est la fougue et la spontanéité dans une telle démarche ? « L’amour ne saurait être une piste d’atterrissage lumineuse. Le pouvoir d’Eros réside dans son anarchisme, dans le fait qu’il surpasse et contourne le verbe, la logique et la politesse ». 

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