La nuit du 12, le crépuscule des femmes

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Trois ans après l’excellente adaptation de Seules les bêtes, le cinéaste Domnik Moll revient avec la Nuit du 12,  lui-même adapté de 18.3 – une année à la PJ DE Pauline Guéna.

La nuit du 12, un fait divers mais pas banal

Une nuit, Clara meurt, brûlée vive sous l’impulsion d’un homme. Voici la scène d’ouverture. Clara court, en feu, comme évanescente. Forte, à la fois poétique, terrifiante. Clara est une jolie jeune femme qui n’est pas encore majeure ou tout juste, du moins le suppose-t-on. Belle et blonde, voici ce qu’elle incarne.

La police judiciaire est immédiatement en charge de cette enquête. A la tête de cette brigade, Yohan fraîchement nommé (l’excellent Bastien Bouillon), accompagné de son acolyte Marceau (Bouli Lanners) et bien sûr, du reste de l’équipe.

Si les suspects se succèdent dans l’affaire, l’enquête piétine. Yohan est obsédé par cette dernière au point de perdre un peu les pédales. Pour quelqu’un qui exorcise ses journées en faisant des tours et des tours de vélo dans un stade, c’est peu dire.

Crédit photographe de plateau : © Fanny De Gouville
Crédit photographe de plateau : © Fanny De Gouville

La nuit du 12, une histoire d’Hommes et de femmes

Enquêter sur l’assassinat de Clara, c’est bien sûr fouiller dans sa vie ; comprendre qui elle était ou plutôt le supposer. La grande liberté de corps et de cœur dont fait preuve. Non, Clara ne laisse pas indifférent. Oui, Clara séduit, plaît et couche. Clara est une femme moderne, pas une salope. Pourtant, ce genre de sexisme latent a la peau dure : pour l’un des collègues de la PJ, la victime l’a bien cherché, même s’il ne l’exprime pas aussi catégoriquement. Pour les suspects potentiels, Clara est une fille dite facile, en tous cas « pas compliquée » de leur aveu même.

Pour Stéphanie, sa meilleure amie, Clara est une jeune fille sensible et à l’écoute, pas la Marie couche-toi là que les hommes perçoivent sous prétexte qu’elle s’est donnée à eux.

Oui, Clara c’était une jeune fille libre d’aimer, de jouir, sans entrave. A son écoute, Yohan est bouleversé. Il prend alors conscience de la grande misogynie dont font preuve ses semblables testostéronés. Alors que l’homme est libre de tout, la femme n’est qu’une pute.

Si la femme est scrutée dans sa condition, les profils essentiellement masculins de la brigade ne sont pas en reste : on a le jeune venu mi idéaliste mi réaliste : « ce n’est qu’un boulot » ; « je veux déclarer mes heures supp » qui tutoient une annonce en mariage au terme de six maigres mois de rencontre.

Marceau, en proie à une séparation qui peine à dissocier la vie professionnelle de la vie privée, sort de ses gonds lorsqu’il a en face de lui un jeune con qui rappe avec force véhémence sur la future défunte : Clara qu’il veut brûler. Oui. Enfin, Marceau qui ‘hésite pas à casser la gueule à un connard (Pierre Lotin) qui frappe les femmes. Parce qu’elles sont faibles, soumises et qu’il est fort, lui.

Crédit photographe de plateau : © Fanny De Gouville
Crédit photographe de plateau : © Fanny De Gouville

La nuit du 12, une histoire tragiquement subtile

Ce film en somme c’est un voyage. Un voyage sous le prisme de l’enquête mais où on y croise des regards d’hommes, de femmes, des individus tous pris par leurs problèmes, leurs idéaux, leurs fonctionnements et leurs profondes convictions. Tout ce qu’on sait en sortant du film, c’est que comme Socrate, on ne sait rien. On ne veut juste plus que toutes ces femmes périssent par la main de l’homme, avec un « h » minuscule et pourtant si grand par sa violence.

Oui, Dominik Moll a réalisé un film qui dénonce parce qu’il constate. On n’a juste envie de dire : plus jamais ça.

Or, tant que le cinéma se nourrira de la vie, il y a fort à parier que ces combats seront toujours à l’écran.

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