Jasmine got the blues…

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Le film est sorti aux Etats-Unis par la chaleur d’un mois de juillet, et ses résultats au box office signent le meilleur démarrage de Woody Allen.

Une femme au bord de la crise de nerfs, bravant la vie en cramponnant son sac Hermès.

Blue Jasmine est une tragi-comédie, profondément en empathie avec son héroïne. Cate Blanchett incarne Jasmine French (un pseudonyme savamment trouvé), une battante qui présente ses failles, même si elle tente de les cacher derrière un vernis social très fortement ancré en elle, presque impossible à écailler. Pourtant, une mauvaise rencontre aura raison de l’équilibre qui rendait Jasmine si forte.

On ignore comment l’héroïne de Woody Allen est entrée en société, ou plutôt dans la bonne société. Ce qui est certain, c’est que son mari, interprété avec brio par Alec Baldwin, précipitera sa chute. Hal la trompe, et à tour de bras : plus forts seront ses soupçons, plus fragiles seront ses certitudes. En proie à des doutes plus que fondés quant à l’infidélité de son époux, Jasmine sombrera dans une lente dépression…pour ne plus jamais en sortir.

Une peinture sociale, psychologique mettant les femmes à l’honneur.

Seul Woody Allen pouvait à ce point allier cette finesse de l’analyse psychologique à la justesse de la peinture sociale de l’Amérique du XXIème.

Son film est un hommage à la féminité, puisqu’il célèbre les femmes courage : Jasmine (alias Jeannette), trahie, ruinée et déshonorée par la faute de son défunt mari… mais aussi sa soeur chez qui elle vient trouver refuge après le décès de celui qui l’a menée à sa déchéance. Ginger (Sally Hawkins) incarne la soeur cadette, le vilain petit canard de la famille. Or, celle qui habite les quartiers populaires d’une Californie marquée par la crise, celle qui n’est que vendeuse, celle qui, de l’aveu de Jasmine, « ne sort qu’avec des tocards », semble bien plus équilibrée psychologiquement que son modèle de soeur… soeur modèle ? Cette même soeur qui n’a plus un sou mais qui continue d’arborer les tenues les plus raffinées, rivalisant d’élégance face à une Ginger au style improbable. Jasmine semble arborer ses tenues comme des vestiges de son passé doré, cette Utopie où le malheur n’existait pas, là où les anti-dépresseurs n’avaient droit de cité.

Bien que tout les divise, c’est pourtant chez Ginger que la tragédienne déchue se réfugiera, n’ayant plus d’autre choix. Esquivant le moindre dîner en compagnie de sa soeur et son (tocard de) mari au temps béni, Jasmine n’aura plus qu’elle. Animée d’une profonde bienveillance, Ginger fera tout pour aider sa soeur malheureuse : la ramener à une vie sociale-certes très différente de celle qu’elle a précédemment connue, lui donner l’idée et l’envie d’exercer un métier. A l’Age d’Or, Jasmine n’avait nul besoin de travailler, en dehors des galas de charité qu’elle organisait et ce malgré les moeurs douteuses de feu son mari.

Le regard singulier de Woody Allen sur l’âme humaine confrontée à la cruelle réalité du monde.

Au fond, les questions que posent ce réalisateur de génie sont somme toute assez simples mais ô combien essentielles.

Woody Allen pose la problématique de la noirceur de l’âme humaine; si Jasmine n’avait pas vécu pareil drame, aurait-elle sombré dans une telle dépression ? Ce qui est troublant dans l’oeuvre d’Allen, et particulièrement à travers des films comme Match Point, Scoop ou le rêve de Cassandre pour les plus récents, c’est cette clairvoyance implacable, ce regard aiguisé qu’il pose sur l’âme humaine.

On se dit que la dépression de Jasmine est trop profonde pour disparaître avec de simples médicaments et un beau mariage, bien que par chance, son mal lui laisse parfois un long répit. Jasmien reste une héroïne tragique que la vie a malmenée, ce qui a renforcé son mal-être, à défaut sans doute d’en être la cause.

Difficile d’exprimer en lieu et place du réalisateur quelle fut son intention et surtout, sur quelle conclusion devrait s’achever son propos. Mais si l’audace nous prend, disons alors que la nature est immuable, et qu’en aucun cas la société ne prendra le pas sur notre nature véritable. Jasmine, Ginger, Hal, tous les personnages que Woody Allen a mis en scène avec force prodige en sont les témoins éclatants.

Bande annonce en VOST

Vu en exclusivité pour son avant-première française le 28/8 à Bercy, en présence de Woody Allen lui-même, Cate Blanchett et Sally Hawkins.

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