Entretien I : Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière

(c) Thomas Laisné

A l’occasion de la sortie de Papa ou Maman, les deux auteurs se racontent dans une interview fleuve.

I. LES DEBUTS

Lucie : Cette première question est pour Matthieu ; comment passe-t-on de Sciences Po à la caméra ?

Matthieu Delaporte : Quand j’ai terminé Sciences Po, j’ai écrit et réalisé un court métrage, suite auquel j’ai rencontré Alexandre.

Alexandre de La Patellière : Il y a quelques mois donc.

Matthieu : L’année dernière ! En bon passionné de politique, j’ai ensuite postulé à Canal et j’ai été nègre de Karl Zero durant 6 ans. Parallèlement à ça, Alexandre et moi nous retrouvions tous les week end pour écrire. Début des années 2000, il travaillait avec D. Farrugia à Canal, et nous avons l’un et l’autre quitté cette sphère pour rejoindre des copains qui avaient monté une boite de production et on allait enfin se lancer dans la fiction.

Lucie :  Et la jungle est venue tout de suite ou après ? Etait-ce votre premier film en duo ?

Alexandre : C’était notre premier film, réalisé par Matthieu, produit par moi et écrit ensemble. Il s’agissait d’un baptême du feu car on a fait ce film avec des bouts de chandelle. C’était un apprentissage en soi mais nous avons aussi compris les limites de cette façon de travailler. In fine, c’était assez passionnant.

 Matthieu : Alex a un parcours assez différent du mien. Ne venant pas du cinéma, lorsque j’ai décidé d’écrire un court métrage, naïvement je l’ai trouvé formidable. J’avais mis toutes mes économies dans les photocopies, que j’ai envoyé à toutes les agences de court métrage, 3 mois plus tard je n’avais pas de réponse et j’ai compris qu’il fallait procéder autrement : il me fallait un acteur pour rencontrer une boite de prod. J’ai rencontré Alexandre sur une boite de postprod.

 En fait, j’ai beaucoup galéré et me suis rendu compte (…) qu’avoir très peu d’argent c’est une gestion minutieuse, l’argent est sans cesse au centre des préoccupations.

 Alexandre : On oublie aussi souvent le côté industriel du cinéma; je pense que malgré nos expériences différentes, la Jungle nous a permis aussi de voir ce qu’on voulait faire. En effet, on a beaucoup aimé le réaliser mais c’était en même temps une grande souffrance. (…)

 Matthieu : Eh oui, si on te dit « tu veux la moquette ou les rideaux »? Tu es bien embêté.

 Les rires de Lucie.

 Alexandre : On a pu voir aussi qu’on pouvait travailler ensemble de cette manière, on est complémentaires. Ca a forgé notre envie d’être extrêmement indépendants et de (…) réaliser nos projets comme on l’entend. On a aussi travaillé en famille, avec Dimitri Rassam. Pourvu que ça dure ! (ils touchent du bois) Avoir une grande liberté, développer nos projets, les écrire, les produire et les réaliser, c’est un luxe formidable.

 Lucie : Matthieu, comment s’est déroulée la rencontre avec Alexandre ?

 Matthieu : Mal ! (rires)

 Alexandre : Même si c’était dans la sphère du cinéma, on s’est rencontrés par hasard, j’étais assistant réalisateur à l’époque. Je passais quelques jours dans une boite de post prod (Dubois, à l’époque) qui faisait beaucoup de pub : il y avait des écrans de contrôle où étaient diffusées des pub pour l’Oréal etc. et un matin, en lieu et place de cette image très sophistiquée, je vois des images en noir et blanc d’un acteur que je connaissais un peu (Olivier Sitruck), qui tentait en vain de se suicider dans une baignoire. Je trouvais ces images assez cocasses, d’autant plus qu’elles étaient complètement en décalage avec les pubs habituelles. J’ai donc remonté les couloirs de Dubois et suis tombé sur Matthieu. Il s’agissait des images de son court, qui par une mauvaise manipulation, avait été envoyées sur tous les écrans de Dubois. (Matthieu explique ensuite le pourquoi du comment : en somme, inexpérience et gentil coup de main d’une employée pas plus experimentée que lui).

 Lucie : Donc, au final, Matthieu, tu as dû la remercier cette jeune fille ?

C’est Alexandre qui répond : On a commencé une conversation il y a 20 ans qui ne s’est pas vraiment arrêtée.

L : Mais vous avez quel âge ? (l’air faussement niais).

M : 29 ans.

 A : On était en 4ème !

Rires

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