Une heure sans tranquillité d’âme ni d’esprit

7756912812_une-heure-de-tranquilite

7756912812_une-heure-de-tranquilite

Qu’on adhère ou non à son caractère, Fabrice Luchini est en soi un Character. Il possède un phrasé que nul autre ne pourrait égaler, une diction découpant chaque syllabe. Qu’on soit sensible au théâtre ou non, cette pièce se vit avant de s’écouter ou même de se voir.

Le génie de Florian Zeller réside dans l’extrême intelligence de ses intrigues, toutes surprenantes, jubilatoires. Ladislas Cholat est à l’origine de mises en scène ingénieuses, très bien ficelées qui apportent une dimension complémentaire à l’intrigue et se fond parfaitement avec le propos de l’auteur. F. Zeller, désormais aussi reconnu pour ses pièces de théâtre que ses romans, a l’incroyable faculté de partir de situations simples qui, in fine, remettent en cause jusqu’à la vérité même de l’existence de ses personnages. « Une heure de tranquillité » confirme plus que jamais ce postulat, déjà nettement présent chez « Le Père ».

L’intrigue ? Michel, mélomane et particulièrement passionné de jazz, vient d’acquérir un vinyle extrêmement rare; l’album porte le titre très révélateur de « Me, myself and I ». Il ne demande qu’une heure de tranquilité pour écouter son précieux disque… Or, tout porte à croire que le destin, ses proches et le plombier en ont décidé autrement… En une heure d’intranquillité maximale, la vie de Michel va basculer et emporter ses certitudes (ou presque…)

Vous l’avez compris, cette heure de fausse tranquillité est une comédie, et pour cause, on rit comme jamais, tant certains situations sont cocasses voire rocambolesques. Evidemment, ses personnages y sont pour beaucoup, outre l’intrigue; on notera notamment la formidable interprétation de Christiane Millet (épouse de F. Luchini) en passant par Ivan Cori (son fils) pour finir par le truculent Grégoire Bonnet, voisin étrangement proche…

Luchini est magistral dans cette pièce et donne à son personnage toute sa démesure et son ampleur. Le personnage de Michel et le comédien lui-même tendent à se confondre pour ne former plus qu’un. L’enthousiasme et la présence de l’un sont au service de l’autre, lui insufflant passion ou agacement. N’est-ce pas là le propre du comédien ? Mettre sa personne au service d’une autre. Le comédien doit-il au contraire s’effacer pour incarner, littéralement, être la chair d’un personnage ? Définitivement, non. Si un comédien véritable doit être capable de tout jouer, il doit nécessairement composer avec son entité personnelle, la plus profonde, pour lui donner cette singularité qui le rend différent de toute incarnation par autrui …

Ne pas voir cette pièce revient à manquer un moment théâtral d’une intensité inouïe, considérez-vous désormais avertis.

Share