Virevoltante mascarade

mascarade nicolas bedos

Du propre aveu de Nicolas Bedos, ce film correspond à « l’adaptation du livre qu'[il a] vainement tenté d’écrire pendant 1 an et qui relatait de façon très romancée une période assez navrante de [sa] vie ». Voilà pour les explications.

Disons que c’est l’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées et qui va tomber raide dingue d’une paumée entretenue par des types plus âgés, leur aventure débouchant sur une vaste manipulation amoureuse. (Nicolas Bedos)

Voilà  pour le synopsis. En naît un film foisonnant, complexe et très riche. (Tentative de) décryptage.

Riches et influents mais vieux

Mascarade montre à la perfection et non sans un certain cynisme jubilatoire l’ennui et tout le pathétique de la vie du gotha niçois. D’un côté Martha Duval, ancienne gloire du cinéma français (Isabelle Adjani) qui ne s’épanouit qu’à travers son passé d’Isabelle Adj…, de Martha Duval jeune. De l’autre, Simon Laurenti, un agent immobilier à la vie ronronnante et impuissant face au démon de midi (François Cluzet). Autour d’eux, de près ou de loin, gravitent un ex mari finalement homosexuel sans doute inspiré de Jean-Claude Brialy (Charles Berling), un directeur de théâtre coureur pour ne pas écrire queutard et somme toute lassé par Martha (Nicolas Briançon), et enfin, l’amie de l’une et femme de l’autre, sans doute la plus saine de tous.tes (Emmanuelle Devos).

Vous n’avez rien compris ? C’est normal, le film est complexe.

Et puisque ce film fonctionne sur les parallèles, et dans l’intrigue et dans le montage, nous avons d’une part Martha en couple avec Adrien, un gigolo (Pierre Niney), de l’autre une femme jeune et jolie mais désargentée : Margot (Marine Vacht, remarquée chez Ozon), sur le point de séduire Simon.

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Crédit photo : les films du Kiosque

Pauvres mais jeunes et beaux

Les deux jeunes s’aiment. Du moins le croit-on, mais surtout, le pense-t-on sincèrement pour Adrien. Ce dernier incarne sans doute le personnage le plus attachant du film malgré des intentions pas toujours nobles, la sensibilité de Pierre Niney confère cette dimension au personnage et insuffle de l’humanité à des endroits du film. Malgré une interprétation sincère et dont on n’a rien à redire (Pierre Niney oblige), les scènes manquent parfois de sincérité : est-ce parce que jusqu’au bout, tout est fait pour que l’on n’y croit pas tout à fait ? C’est en tous cas une vraie question, à l’image de ce qui émaille tout le film de Nicolas Bedos.

Quant à Margot, elle est sans conteste le personnage le plus énigmatique du film. Faire endosser son rôle par Marine Vacht est une idée assez géniale : la mannequin/comédienne est (évidemment) très belle, mais surtout insaisissable. Malgré son exubérance, elle demeure insondable, comme chez Ozon par ailleurs.

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Crédit photo : les films du Kiosque

Femmes (et) puissantes

A certains égards, le film pourrait être qualifié de misogyne, du moins c’était mon impression à Cannes, beaucoup moins lors de la 2è version du film, (re)vu récemment.

Sentiment post Croisette : quelle piètre image il donne des femmes ! Alternative 1 : elles sont jeunes, donc michtos prêtes à tout pour s’assurer une place au soleil, des mantes religieuses prêtes à sucer les hommes… (et) jusqu’au sang. Alternative 2 : elles sont (plus) vieilles (cf Adjani et Morante, personnage sans morale s’il en est une mais au grand coeur). Plus vieilles donc cougars, enclines à payer pour au pire se faire sauter, au mieux se faire aimer.

Sentiment parisien : en réalité, les hommes ne valent pas mieux ; ils ne sont pas mieux traités non plus. Tous les hommes [du film] sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. Plus sérieusement, leur dénominateur commun est le démon de midi, ils profitent de leur statut (agent immobilier, directeur de théâtre) mais surtout de leur pouvoir induit par leur agent pour sauter les jolies petites jeunes. Leur autre point commun ? Margot a l’impression de baiser avec son grand-père. Charmant. Et surtout, quel sacrifice ! Mais évidemment, ça rémunère mieux que de travailler  (et on ne parle même plus du Mc Do à de telles extrémités).

Cyniques et sans vergogne (ni universalisme)

Nul besoin de voir Mascarade pour s’en rendre compte : nous savons que nous ne vivons pas dans le monde enchanté des Bisounours. Là où Östlund (Sans filtre) a voulu explorer avec brio les rapports sociaux dans un microcosme mais génère une portée universelle, Bedos a fait la même chose avec, hélas, un universalisme moindre. D’aucuns diraient que ce film ne touchera sans doute pas d’autres cibles que les Parisiens, la riche French Riviera (qui s’en prend plein la gueule et c’est jubilatoire).

Fort heureusement, restent ceux qui sont curieux d’aller voir le 4è film d’un auteur et réalisateur brillant, qui avait flirté avec l’excellence pour ses deux premiers films.

Foisonnant, parfois incohérent

Foisonnant, tel est sans doute un des adjectifs qui sied le mieux au film. Le scénario est complexe, et manque même parfois de cohérence. Nicolas Bedos donne le sentiment d’avoir voulu en faire trop, et surtout, en mettre trop quitte à bâcler des pistes narratives, nombre sont ceux qui n’ont pas tout compris au premier visionnage, et le film est long.

Il y a beaucoup de personnages et les effets d’écho (notamment dans l’élaboration du machiavélique)  fonctionnent à merveille. Cependant, à trop surenchérir on se perd dans les pistes proposées, d’autant qu’elles sont alternatives.

Le mieux est l’ennemi du bien, même s’il n’y a (évidemment) aucune morale dans ce film, pas même celle de la fin, sponsorisée par Cartier.

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