Anatomie d’une chute, autopsie d’un couple

ANATOMIE-D-UNE-CHUTE

Auréolée d’une Palme d’Or au festival de Cannes dernier, Justine Triet dissèque un couple en crise à travers le procès de l’épouse, Sandra. Anatomie d’une chute, film de procès, tente de trouver une vérité : celle qui entoure la mort mystérieuse du mari, Samuel, dont le corps est retrouvé sans vie au pied de leur chalet.

Anatomie d’une chute sous le prisme judico-intime

Passé le choc de cette macabre découverte, les premières questions émergent, la principale étant : suicide ou homicide ? Dès lors, une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra, l’épouse, est bientôt inculpée malgré de vraies incertitudes. On est alors en proie au doute, un doute persistant. La comédienne Sandra Hüller parvient à livrer un jeu trouble et troublant, nous laissant sans cesse perplexes. A l’instar de son avocat, joué par Swann Arlaud (interviewé ici) qui semble se poser la question de sa culpabilité tout au long du film.

Un an après cette inculpation, Daniel, (l’excellent Milo Machado Graner), le fils du couple, assiste au procès de sa mère. Ce volet judiciaire donne à voir le couple sous tous ses aspects et la mère n’est pas épargnée par l’avocat général brillamment interprété par Antoine Reinartz. Anatomie d’une chute est avant tout une véritable dissection du couple : leurs rapports sont autopsiés, leurs faits et gestes, détaillés ; leurs intentions, décryptées.

Anatomie d’une chute sous le regard de l’enfant

S’il souhaite assister au procès, Daniel, alors âgé de 12 ans, joue un rôle prépondérant dans le film : c’est lui qui ouvre le bal à travers une scène d’ouverture très particulière, aux références bien connues des cinéphiles les plus aguerris. C’est aussi et tragiquement lui qui retrouve le corps mort de son père au pied du chalet familial. Pour couronner le tout, il est un témoin décisif car il est le dernier à avoir vu son père en vie en plus de Sandra, laquelle, visée par l’enquête, n’est pas toujours considérée comme crédible. Un autre témoin est donc nécessaire pour faire la lumière autour de cette affaire, fût-ce son propre fils.

Endossant un rôle trop lourd pour son jeune âge, cet enfant va malgré lui devoir grandir et quitter le monde de l’innocence parce que sa propre mère est peut-être l’auteure du meurtre de son père… et qu’il est soudainement privé à jamais de ce dernier.

Anatomie d’une chute dans l’oeil de Justine Triet

Epaulée par son mari Arthur Harari dans l’écriture du scénario -à qui on doit le très ambitieux Onoda, Justine Triet ne déroge pas à ses portraits de femme : Victoria, Sybil puis Sandra. Toutes sont traversées par le couple, de façon plus ou moins heureuse. Le procès était également une composante de Victoria, et l’amour déclinant, celle de Sybil.

L’idée, c’était de raconter la chute d’un corps, de façon technique, d’en faire l’image de la chute du couple, d’une histoire d’amour. (Justine Triet)

En y ajoutant la mort, c’est finalement une sorte de métaphore qui nous est proposée : on autopsie non pas un corps, mais ce couple en tant que responsable de cette fin tragique, de cette chute.

Anatomie d’une chute, c’est avant tout l’autopsie de la fin d’un amour. 

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