Osé Ozon

une nouvelle amie, François Ozon

Une nouvelle amie, dernier film de François Ozon

Plus d’un an après Jeune et Jolie, François Ozon revient avec Une nouvelle amie, adapté de la nouvelle Une amie qui vous veut du bien de Ruth Rendell publiée en 1985. Comme à l’accoutumée, le réalisateur sort des sentiers battus, révélant alors une nouvelle facette de la nature humaine, une facette des plus déconcertantes mais qui porte à réflexion.

Un scénario déroutant

Une nouvelle amie, c’est avant tout l’histoire de deux amies, Laura (Isild Le Besco) et Claire (Anaïs Demoustier). Ces deux-là sont fusionnelles, inséparables. Toutefois, on sent dès les premières images que Laura éveille le désir, celui des hommes, mais probablement aussi celui de Claire, qui envie sa position et la convoitise qu’elle suscite.

Laura, mariée à David (Romain Duris), meurt des suites d’une maladie, alors que leur fille, Lucie, n’a que quelques mois. David est effondré. Il n’a plus goût à la vie et doit pourtant assumer seule sa fille. Claire, alors mariée à Gilles (Raphaël Personnaz), a promis à sa meilleure amie de les soutenir et de s’occuper d’eux, coûte que coûte. Néanmoins, il lui faut se faire violence pour aller voir David, pour des raisons qu’on ignore encore. Tous deux ont perdu l’être qui leur était le plus cher, ils devraient donc naturellement se rapprocher. Or, la réalité est tout autre. C’est une découverte des plus surprenantes qui amène ces deux-là à davantage de complicité… David, déguisé en femme, paré des vêtements de sa défunte épouse.

Duris et Demoustier au sommet

Parce que le traitement scénaristique d’Ozon était tout en délicatesse, il fallait des acteurs à la hauteur pour interpréter ces rôles sans tomber dans le cliché ou la surenchère. C’est l’exercice difficile qu’ont su maîtriser Romain Duris et Anaïs Demoustier. En livrant des performances à la fois fortes, sincères et troublantes, les deux protagonistes nous permettent de mieux saisir toutes les subtilités de leur psychologie, mais aussi de l’accompagner pas à pas. Grâce à la finesse du traitement scénaristique, on ne peut qu’être en empathie avec ces personnages. Si ce n’est pas le cas, le film passe alors à côté de son objectif, et on le rejette catégoriquement, ce qui est une forme de fermeture à la proposition artistique de François Ozon.

Une réflexion sur le genre et la sexualité

Au-delà du long cheminement intérieur du personnage de David, se pose une question bien plus universelle : celle du genre. David est né homme, mais c’est en femme qu’il semble s’accomplir. De son propre aveu tardif, « je suis femme », il n’a donc d’autre choix qu’incarner ce qu’il est s’il veut s’épanouir.

C’est également une réflexion sur la sexualité que nous propose François Ozon, une réflexion toute en pudeur. Il questionne en effet les désirs profonds, presque inconscients, qui nous animent. Le personnage de Claire en l’illustration même : en posant les contours d’un saphisme latent, il met le doigt sur un élément fondateur. On parle souvent de choix sexuel mais le mot est bien mal à propos; en réalité, on subit sa sexualité. Si c’est un moteur, ça peut être non pas un frein mais un roue libre, qui s’imposent en/à nous, malgré nous.

Eros et Thanatos

On le dit souvent, l’amour et la mort ne sont pas si éloignés. Cette théorie prend tout son sens dans le film d’Ozon. David révèle à Laura avoir eu de nouveau l’envie de se travestir quand il a habillé Laura sur son lit de mort. Filmé par Ozon, sa manière d’habiller une dernière fois son épouse défunte prend alors des airs troublants, très érotiques. Cette scène est sans doute fondatrice. Certes, elle n’explique pas les raisons pour lesquelles David se sent mieux en femme (des bribes d’explications possibles sont données vers le début du film : il aimait beaucoup sa mère), mais elle donne à voir l’élément déclencheur de ce processus. Quand David était aux côtés de Laura, il n’avait pas besoin de s’habiller en femme, elle le comblait; en revanche, c’est à sa mort qu’il a de nouveau ressenti ce besoin impérieux.

Comme pour mieux conjurer l’absence, l’identification et le travestissement permet de vivre un deuil plus supportable… mais jusqu’à quel point ? De toute évidence, ce n’est pas la mort que David souhaite conjurer, mais la vie qu’il cherche à (re)trouver.

Si Laurence Anyways vous semble proche, seul le sujet les rapproche. Du reste, Ozon réalise un autre film, le sien.

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