Celle que vous croyez : au coeur d’une femme

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Pour son dernier film, Safy Nebbou s’est de nouveau attelé à une adaptation littéraire : « celle que vous croyez » de Camille Laurens.

Celle que vous croyez : dangereux jeux de dupes

Claire (Juliette Binoche), une femme d’une cinquantaine d’années, éconduite par son jeune amant (épatant Guillaume Gouix), se fait passer pour Clara, une jeune fille de 24 ans afin de se rapprocher du colocataire de ce dernier, et, in fine, avoir des nouvelles de son ex évanoui dans la nature. Comme on peut aisément l’imaginer, elle se laisse prendre à son propre jeu et tombe sous le charme d’Alex (François Civil). Leur relation, toute virtuelle, prend de plus en plus de place dans la vie de Claire et donne une toute autre couleur à son existence. Elle devient addict à « la petite lumière verte » qui indique que l’autre est en ligne. « Celle ci me maintenait en vie comme un fil de perfusion, une bouffée de Ventoline, je respirais mieux. »

Au coeur de cette relation basée sur un ce mensonge, une femme meurtrie, abandonnée qui a perdu toute confiance en elle et qui veut se réapproprier sa vie, son bonheur, toute une existence qu’on lui a volée en somme. « Il n’y a pas d’âge pour être petite », dira-t-elle à la fin du film, et bien plus tôt dans le livre.

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Celle que vous croyez : un brillant portrait de femme

Si le film a été adapté et réalisé par un homme, il a réussi a tout garder de la délicatesse du point de vue féminin de Camille Laurens, la romancière par qui est née l’intrigue. Il a réussi a être en totale empathie avec une femme quinquagénaire, en exprimant à l’écran ce que faisait la romancière sur le papier : l’humiliation que subit une femme de cinquante ans. Si les différences d’âge sont relativement bien acceptées lorsque l’homme est le plus âgé du couple, ce n’est pas vraiment le cas lorsque la femme est plus vieille que l’homme ; d’ailleurs, la langue française ne prévoit toujours pas d’équivalent à cougar, ce que le film ne manque pas de souligner très habilement.  « Les hommes mûrissent, les femmes vieillissent », voilà ce qu’on peut lire chez Camille Laurens. Claire, elle, ne jouait pas simplement à la jeune femme de 24 ans, elle avait 24 ans. C’est ce qu’on peut entendre lors des confidences rétrospectives de la protagoniste à son thérapeute, brillamment interprétée par Nicole Garcia. Dans le livre, on trouve cette citation d’Antonioni, qui illustre parfaitement le propos et ne manque pas de l’éclairer : « L’amour, c’est vivre dans l’imagination de quelqu’un ».

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Celle que vous croyez : une adaptation avec un fort parti pris

Co-construit avec Camille Laurens, le scénario de Safy Nebbou permet d’éclairer le livre complexe de la romancière. Dans le livre, on est perdu car au moins trois histoires s’entremêlent, si bien qu’on ne sait plus quoi croire. Le film a le mérite de suivre une trajectoire et de s’y tenir, même si la parenthèse sur ce qu’aurait pu être leur histoire si Claire s’était enfin montrée à Alex est bien présente. Le scénario est suffisamment bien construit pour ne pas perdre le spectateur.

Autre parti pris, le film est bien plus complaisant avec le personnage de Claire que ne l’est le livre. Elle y est malmenée par Alex, qui s’appelle Chris (Christophe, donc). Leurs premiers rapports sexuels sont humiliants pour elle, il fait mine de s’intéresser à elle uniquement pour son argent et leur relation est vue sous un angle sadomasochiste. Rien de tout cela n’apparaît à l’écran, c’est un aspect du livre que Safy Nebbou a totalement occulté, ce qui donne évidemment au film une toute autre couleur et qui rend toutes ses lettres de noblesse à son personnage principal incarné par une Juliette Binoche qui semble porter le film à elle seule. On peut d’ailleurs sentir toute l’admiration du réalisateur pour son actrice, qui est bien celle que vous croyez.

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